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ON DIRAIT QUE LE BONHEUR ENTIER EST À NOS TROUSSES, INSTALLATION 2021 


« Je m’intéresse à la façon dont les images publicitaires nous sont données à voir. Elles m’apparaissent notamment dans une accumulation de spectacles au travers desquels nous pouvons faire l’expérience du monde. L’environnement dans lequel je vis et travaille constitue une donnée essentielle. J’y prélève des objets ‘trouvés’ que je mets en scène. Certes, ces éléments du réel relèvent de la banalité. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils permettent de questionner les formes d’oppression au quotidien et de donner à ressentir la violence qui s’exerce au-delà du visible. »

Durant sa résidence de trois mois aux RAVI, Pauline François a poursuivi ses recherches sur l’image publicitaire, sur les comportements que cette dernière nous incline à adopter et sur leur fonction d’outils de gestion de nos sociétés. Elle en est arrivée à présenter une installation à l’allure de scène de théâtre que les acteurs auraient désertée. Y trainent toutes sortes d’objets qui supportent des récits à reconstituer. Nous aurons sans doute l’envie d’y pénétrer. Il faudra d’abord nous essuyer les pieds sur un paillasson qui souhaite la bienvenue en anglais dans la police caractéristique du monde merveilleux de Disney où nos rêves pourront enfin devenir réalité. Mais l’accès coiffé d’un auvent qu’on verrait bien à la devanture du Bonheur des Dames est barré par une chaine au cadenas fermé dont le boitier porte une assertion à double sens (« Y’a plus d’amour ici ») gravée avec la finesse d’une gourmette de nouveau-né ... tout un programme.

« C’est une fausse boutique, explique Pauline François. Vous ne pouvez d’ailleurs pas y faire d’emplettes. Je l’ai plongée dans la pénombre et ce qui s’y trouve s’éclaire avec des allures fantomatiques. » Les cartons à la marque de Zalando, Amazon, Ikea ou Macintosh semblent dresser une litanie dédiée aux géants de la surconsommation. Plus loin, des mains de magicien gantées de blanc planent au-dessus d’un pot de Nutella ‘taille XL’ dont le couvercle laisse voir une vidéo où Natalie Portman nous demande de nous réveiller. L’héroïne de Black Swan affiche encore son sourire carnassier pour la réclame « Miss Dior. La Vie en Rose » où elle est photographiée sous la direction de Sofia Coppola ... mais ici le mur de fleurs sur lequel elle s’appuie est incrusté d’images de sans-abris. On voit encore une publicité pour H&M. Accroché à la porte d’entrée de l’atelier, une main de mannequin aux ongles peints de flammes et de billets de banque fait la manche au-dessus d’un gobelet rempli de jetons de caddie. La musique spécialement composée pour les parcs d’attractions voués à la grandeur de Mickey Mouse et de ses complices couvre les bruits imprévisibles de la vie qui viendrait nous distraire de cet univers aussi féérique qu’artificiel et finit de conditionner notre disposition à consommer sans vergogne.

« On pourrait avoir l’impression d’un enchantement mais pas du tout, déclare Pauline François. J’ai travaillé sur la vacuité dans laquelle nous plongent les mensonges de la communication : les réclames nous laissent espérer un bonheur à posséder les produits qu’elles vantent ... mais, en définitive, il n’y a rien ou peu chose. »

Pierre Henrion






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